Русский | Deutsch | Italiano | English | Español | Français
top

Le streaming

 

Les risques d’une pratique plus dangereuse qu’il n’y paraît…

A l’heure où les plateformes communautaires de vidéos en streaming connaissent un essor très important, voici un gros plan sur le droit applicable à ce mode de diffusion. Si les internautes se sentent moins menacés qu’avec le P2P, le visionnage d’œuvres contrefaites en streaming n’est pourtant pas sans risque.

Le streaming (ou diffusion en flux continu) est une technique qui permet de diffuser une vidéo ou un fichier musical sur Internet, en continu ou avec un léger différé. Le fichier n’est en principe pas stocké définitivement sur le disque dur de l’ordinateur, mais il est au moins stocké temporairement dans la mémoire vive de l’ordinateur.

Le streaming est en principe légal, quand il respecte le droit d’auteur (droit de représentation, de reproduction et droit moral).

QUAND LE STREAMING EST-IL LÉGAL OU ILLÉGAL ?

Quand l’auteur (ou ses ayants droit) a donné l’autorisation de diffuser son œuvre en streaming, le détenteur de cette autorisation ne peut donc être poursuivi pour contrefaçon car son autorisation découle du droit de représentation de l’auteur.  

L122-2 du Code de la Propriété Intellectuelle :
« La représentation consiste dans la communication de l’œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :

1° Par récitation publique, exécution lyrique, représentation dramatique, présentation publique, projection publique et transmission dans un lieu public de l’œuvre télédiffusée ;

2° Par télédiffusion.

La télédiffusion s’entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d’images, de documents, de données et de messages de toute nature.

Est assimilée à une représentation l’émission d’une œuvre vers un satellite. »          

L’utilisateur qui visionne ou écoute l’œuvre en streaming ne peut pas non plus être poursuivi par l’auteur pour atteinte à son droit de reproduction, même s’il n’a pas donné d’autorisation de reproduire l’œuvre, car la reproduction temporaire dans la mémoire vive utilisée par la technique du streaming correspond à l’exception au droit de reproduction introduite par l’article L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle.  

L122-3 du Code de la Propriété Intellectuelle : 

« La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte.  Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les œuvres d’architecture, la reproduction consiste également dans l’exécution répétée d’un plan ou d’un projet type. » 

L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle : 

« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :

 
6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu’elle est une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et qu’elle a pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données ne doit pas avoir de valeur économique propre. 
»
 

Par exemple, le site de musique en ligne Deezer a signé des accords avec des majors du disque pour diffuser leur catalogue gratuitement. La diffusion et l’écoute de cette musique en streaming est donc tout à fait légale.  

Quand l’auteur (ou ses ayants droit) n’a pas donné l’autorisation de diffuser son œuvre en streaming, celui qui la diffuse, et donc l’héberge sur son site, est passible de poursuites pour contrefaçon car cette diffusion porte atteinte aux droits de représentation et de reproduction de l’auteur.  Ce délit est puni de peines de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (article L335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle).

L335-3 du Code de la Propriété Intellectuelle : 

« Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi. Est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6. »

Comme nous l’avons signalé plus haut, la reproduction temporaire dans la mémoire vive étant une exception au droit de reproduction, l’utilisateur d’un site de streaming ne peut être poursuivi pour atteinte aux droits d’auteur.

Toutefois, on peut se poser la question de savoir s’il pourrait être poursuivi pour recel ? Dans ce cas, il s’agirait de recel-profit, défini à l’article 321-1 du Code Pénal, qui érige en infraction le fait de profiter sciemment d’un crime ou d’un délit. Le visionnage d’un film diffusé illégalement pourrait ainsi correspondre à un tel profit.

321-1 du Code Pénal :

« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit. Le recel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende. »

De plus, le fait de mettre un lien hypertexte vers une œuvre diffusée illégalement en streaming et hébergée sur un autre site pourrait être considéré comme de la complicité à la contrefaçon. 

121-7 du Code Pénal :  

« Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

Il est à noter que pour le recel et la complicité, les personnes poursuivies doivent être au courant de l’illicéité de ce qu’elles regardent ou de ce vers quoi elles renvoient par des liens. Mais il sera difficile pour un juge de croire à la bonne foi de ces personnes quant à cette illicéité quand les sites concernés ne sont pas des sites de maisons de production, de majors du disque ou autres diffuseurs habituels de contenu.

A ces peines pénales, pourront s’ajouter des dommages-intérêts à payer en cas de procès civil pour dédommager les auteurs ou ayants droit.

En janvier 2008, on assistait à la fermeture du site Chacal Stream, site internet répertoriant des liens permettant de regarder des vidéos. Il s’agissait en quelque sorte d’un annuaire. L’ALPA (Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle) avait porté plainte après que Gaumont, l’un de ses membres, ait vu certains de ses films en lien sur le site Chacal Stream. Le principal administrateur avait été placé en garde à vue et les ordinateurs de Chacal Stream minutieusement fouillés. Le procès fixé le 22 mai 2008 fut plusieurs fois repoussé mais devrait finalement se tenir le 11 février 2009 selon l’administrateur du site. Aucune jurisprudence n’étant établie en la matière, ce dernier ne peut être en mesure de prévoir la nature des sanctions qu’il encoure.

Toutefois, on peut supposer que la complicité de contrefaçon puisse être soulevée puisque répertorier des liens permet de faciliter la contrefaçon numérique.  

Tableau récapitulatif

Faits

Risques juridiques

Héberger des vidéos en streaming sur son propre site, sans autorisation de l’auteur

Condamnation pour contrefaçon, jusqu’à 3 ans de prison et 300 000€ d’amende

Regarder/écouter un film ou une musique en streaming sur un site non autorisé par l’auteur

 

Recel-profit, jusqu’à 5 ans de prison et 375 000€ d’amende

Faire un lien vers des œuvres diffusées illégalement en streaming, ou vers un site proposant ce type d’œuvres

Complicité de contrefaçon (un complice peut être condamné des mêmes peines que l’auteur, selon l’article 121-6 du Code Pénal)

 

De toute évidence, il existe réellement un vide législatif et jurisprudentiel en matière de streaming et l’on peut regretter qu’aucune disposition du projet de loi « Création et Internet » ne soit consacrée au streaming proprement dit. L’issu de l’affaire Chacal Stream permettra peut être d’apporter des précisions sur ce flou juridique.

Billets similaires :

4 commentaires pour l'article “Le streaming”

  1. Bravo, très bel article sur le streaming et les droits, beaucoup des webmasters de tous ces sites devraient le lire avant d’avancer que leurs sites sont parfaitement légaux !

  2. Si j’ai bien compris…

    on peut visionner un clip sur un site de streaming (YouTube, Veoh, etc) et selon qu’il ait été mis en ligne par un ayant-droit ou, au contraire, par quelqu’un n’en possédant pas les droits, n’avoir rien fait d’illégal ou risquer jusqu’à cinq ans de prison et 375’000€ d’amende – pour le même clip, diantre !

  3. Bon, supposons que j’ai regardé pas mal de films en streaming pendant ces deux mois et avant jamais, et que maintenant j’ai décidé d’arrêter parce que je me suis rendue compte que c’était punissable ou tout du moins pas sûr, comment pourrai-je me défendre si on voulait me mettre en prison ??? Est-ce que vidéotribe est légal ? Pourquoi reste-t’il en ligne s’il ne l’est pas ? Pourquoi lui laisse-t’on jusque fin septembre pour fermer ? Entre temps, des internautes vont dessus. Risquent-ils quand même la prison ?

  4. « L’utilisateur qui visionne ou écoute l’œuvre en streaming ne peut pas non plus être poursuivi par l’auteur pour atteinte à son droit de reproduction, même s’il n’a pas donné d’autorisation de reproduire l’œuvre, car la reproduction temporaire dans la mémoire vive utilisée par la technique du streaming correspond à l’exception au droit de reproduction introduite par l’article L122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. »

    PUIS
    « Regarder/écouter un film ou une musique en streaming sur un site non autorisé par l’auteur = Recel-profit, jusqu’à 5 ans de prison et 375 000€ d’amende »

    BONJOUR LA CONTRADICTION !!

Laisser un commentaire





bot © 2008 CoPeerRight Agency. FAQ | Conditions d'utilisation | Mentions légales