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La Réponse Graduée au service des pirates : partie 3 « Le DDL »

Ne cédons pas à la tentation du jeu de la rhétorique, saluons la défunte « RIPoste Graduée » jugée trop martiale, et accueillons comme il se doit la « Réponse Graduée ». Une réponse… mais à quelle question déjà ? Comme le disait si bien l’illustre Albert Einstein : « Il n’y a pas de question idiote, seulement une réponse idiote »…

Définition

Simple, rapide et gratuit, l’échange de fichiers par le biais des liens DDL est depuis plus de 3 ans en plein boom… La contrefaçon numérique par le biais des liens de téléchargement direct connaît aujourd’hui un succès fulgurant en France. Cette technologie, déjà utilisée depuis plusieurs d’années, est devenue très populaire grâce au haut débit dont bénéficient à présent la plupart des internautes.

Le DDL, abréviation de l’anglais Direct Download Link, offre la possibilité à un internaute de télécharger simplement et rapidement sur son disque dur un fichier hébergé sur un serveur, grâce à un ou plusieurs liens.

Ces liens peuvent être trouvés sur divers types de sites : site warez, forums de discussion, blogs, Facebook ou encore pages personnelles… Les DDL sont créés par le biais de plates-formes d’hébergement qui permettent leur stockage et leur accessibilité à tous.

A la différence du P2P où chaque internaute est à la fois client et/ou serveur (en ce sens qu’il partage sa bande passante), le DDL fonctionne lui selon une architecture dite « client-serveur », à savoir que le téléchargement s’opère directement sur le serveur du site où est hébergé le fichier. L’usager bénéficie ainsi d’une connexion stable et rapide, indépendante des autres utilisateurs, le fichier restant téléchargeable tant qu’il est disponible sur le serveur.

La simplicité d’utilisation du service a inévitablement intéressé les contrefacteurs, qui s’en servent de plus en plus pour diffuser (ou Releaser) de manière illégale et à grande échelle des fichiers protégés par le droit d’auteur. S’il est facile pour l’internaute de télécharger un fichier, il l’est tout autant pour celui qui le met à disposition (upload) sur ces serveurs, le système se trouvant être particulièrement souple pour l’usager, et à fortiori pour le contrefacteur.

 

État des lieux

                La pratique

Afin de pouvoir télécharger un fichier hébergé sur ces serveurs, l’usager doit au préalable récupérer des liens menant vers celui-ci. En effet, ces plates-formes de téléchargement présentent la particularité de ne pas proposer de moteur de recherche pour les fichiers qu’ils hébergent. De plus, afin de contourner les premiers filtrages opérés par ces sites, les fichiers uploadés sont bien souvent renommés.

L’usager se tourne alors vers des forums, blogs ou autres sites qui indexent ces liens, bien qu’étonnamment le moteur de recherche le plus efficace soit Google, qui indexe en quasi-temps réel  le contenu du web. Il suffit de taper un titre d’ œuvre pour se voir proposer dans les premiers résultats des liens vers les sites de DDL, ou encore de streaming.

Cet état de fait ne va pas sans provoquer une certaine confusion chez l’internaute, pour qui la frontière entre légalité et illégalité se trouve être bien floue. Récemment encore, Thierry Lhermitte  (pourtant actionnaire  de TMG, unique prestataire des ayants droit pour la surveillance des réseaux P2P) avouait télécharger sur MegaUpload, sans savoir si ce qu’il faisait était légal ou pas.

Les usagers bien informés ont quant à eux développé diverses techniques afin de profiter au mieux du système. Il faut en effet savoir que les plates-formes de téléchargement ont mis en place différentes limitations à leur service pour inciter l’usager à souscrire à ce qui est communément appelé « offre premium ». Cet abonnement, qui se chiffre à une moyenne de 5 à 10€ par mois, permet de s’affranchir des contraintes imposées par le service : pas de temps d’attente, plusieurs téléchargements en simultané (quand l’usager normal se voit imposer une limite quotidienne), reprise simple et rapide du download, des fichiers de taille plus importante, et surtout une vitesse de téléchargement accrue.

De plus, logiciels et autres plugins pour navigateurs se sont multipliés, facilitant toujours plus le téléchargement illégale en masse.

                Quelques chiffres

L’utilisation du DDL connaît depuis quelque temps maintenant un essor considérable, comme nous le soulignons déjà il ya 3 ans. Une étude menée par Sandvine en 2009 donnait un chiffre révélateur : le trafic cumulé des deux principaux sites de DDL que sont RapidShare et MegaUpload dépasse celui de Facebook et ses 300 millions d’utilisateurs, et représente plus de 2% du trafic mondial sur Internet. Il y a quelques jours, la même société publiait un nouveau rapport qui mettait en avant l’effondrement du P2P au profit du téléchargement direct : la part des échanges sur les réseaux peer-to-peer a été divisée par deux en un an ( de 22% à 11% du traffic), quand celle du trafic HTTP passe de 25,9% à 44,6% !

Dans son intervention lors du 15ème forum européen de la propriété intellectuelle, CoPeerRight Agency relevait une augmentation similaire du nombre de sites de DDL et de streaming, leur nombre passant d’une centaine en janvier 2007 à plus de 840 en septembre 2009.

Le site plugngeek effectuait un relevé analogue entre janvier et juillet 2010 : en début d’année, pour 100 téléchargements par torrent, on en comptait 28 par DDL ; en juillet, la proportion était de 78 téléchargements par DDL, et la croissance est régulière et continue.

                La loi

Il faut dans un premier temps rappeler que le procédé du DDL n’a en soit rien d’illégal, tout comme l’est fondamentalement le P2P ou tout autre forme d’échanges de fichiers entre internautes. Ce qui est répréhensible reste bien évidemment la mise à disposition et le partage de fichiers protégés par le droit d’auteur. Nous rappellerons donc dans un premier temps les sanctions prévues à cet effet, avant de nous intéresser à l’attitude adoptée en conséquence par les plates-formes de DDL, pour enfin aborder la Hadopi et la riposte graduée.

La mise en ligne, le téléchargement et l’hébergement de fichiers contrefaits (si ce dernier, après injonction, n’est pas supprimé) sont passibles d’une condamnation pour contrefaçon de droit d’auteur (article L.335-2 et suivants du Code de la propriété Intellectuelle), les auteurs du délit risquant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende. Aux sanctions pénales s’ajoutent également des poursuites civiles de la part des ayants droit, ceux-ci pouvant réclamer des dommages et intérêts conséquents pour compenser le préjudice financier (articles 1382 et 1383 du Code Civil).

Il est important de rappeler que l’hébergeur de fichiers contrefaits (tout comme l’est l’hébergeur de streaming, est civilement et pénalement irresponsable, et se présente aujourd’hui comme un site légal utilisé par les internautes dans un but parfois illégal, aidé en cela par les nombreuses décisions de justice rendues de par le monde.

Ainsi encore récemment, la justice allemande innocentait le site RapidShare dans un procès intenté par une entreprise de location de films, tandis qu’une décision similaire était rendue quelques semaines auparavant en Californie, suite à une accusation d’enfreintes aux droits d’auteur.

Le fondateur du site Rapidshare.com, Christian Schmid déclarait alors: «  le site n’est pas responsable des atteintes au droit d’auteur commis par ses clients », rappelant en cela la difficulté rencontrée par la pluralité de législations nationales à statuer sur la responsabilité de ces serveurs de stockage.

 

Perspectives

                Un écosystème propice aux dérives

L’offre premium proposée par les plates-formes de téléchargement s’assortit d’un lot de mesures visant à encourager l’upload de fichiers sur leurs serveurs. Ainsi, certaines d’entres-elles rétribuent leurs plus gros uploaders grâce à des commissions, ou encore des remises sur des abonnements : plus le fichier génère de trafic, plus les revenus publicitaires sont importants.

S’il est difficile d’évaluer les revenus des deux principaux sites de DDL (ceux-ci ne souhaitant pas communiquer là-dessus), une étude présentée par CoPeerRight Agency en avril dernier permet de faire une estimation de ce que peut rapporter un forum tel que Liberty-land. En se basant sur le nombre de visiteurs uniques par jour, les bannières publicitaires présentes et le coût estimé par clic, ses revenus mensuels s’élèvaient à 36 000€. Il va sans dire que cette somme échappe à tout contrôle, les sommes atterrissant sur des comptes à l’étranger, sans bien évidemment rétribuer les ayants droits d’aucune manière.

Les sommes générées par la publicité, ajouté à un principe de rétribution pour les plus gros uploaders de la part des sites de DDL, concourent à générer un trafic, et les dérives qui en découlent inévitablement. Ainsi, si la publicité est omniprésente sur tous les forums, une grande majorité d’entres-eux ont recours à des pratiques douteuses pour attirer toujours plus d’internautes à utiliser leurs services, et utilisent sans vergogne spam et autre google bombing pour arriver à leurs fins. De plus, l’internaute est bien souvent renvoyé d’un site à l’autre, augmentant artificiellement la fréquentation de ceux-ci, et par conséquent leurs revenus.

Ces plates-formes de DDL, qui légalement sont rarement inquiétées comme nous venons de le voir, génèrent donc des revenus conséquents pour ceux qui exploitent les failles juridiques d’un système à perfectionner encore.

                Un moyen de distribution en devenir

Étant, on l’a vu, civilement et pénalement irresponsables, les plates-formes de DDL s’efforcent d’adopter une attitude transparente vis-à-vis des ayants droits : leur modèle économique étant performant, tout comme l’est la technologie, ceux-ci ne souhaitent en aucun cas être amenés à fermer leur service. Ils adoptent depuis peu une attitude laissant croire à une volonté de rapprochement et de collaboration avec les ayants droit, dans le but certain de faire baisser les menaces légales qui pèsent sur eux, et alléger également leur mission de filtrage/nettoyage de leurs serveurs.

Toujours dans cette apparente volonté de transparence, Bobby Chang (président du site RapidShare) envoyait il y a peu un courrier à des représentants du secteur du cinéma dans le but de les informer de la nouvelle stratégie commerciale du groupe : il y annonce vouloir « augmenter les efforts de (la) société à distribuer officiellement du contenu licencié », proposant non pas de supprimer les liens ou pages proposant du contenu protégé, mais de remplacer ceux-ci par des liens redirigeant les internautes vers des plates-formes de téléchargement légal, espérant en cela amener les utilisateurs, frustrés de ne plus trouver de contenu illégal, à se tourner vers des voies de distribution conventionnelles.

Mr Chang souhaite ainsi voir son entreprise devenir une alternative de distribution de contenu sur Internet, tout en souhaitant une refonte du système : « Nous croyons que si les utilisateurs peuvent trouver instantanément ce qu’ils recherchent à un prix équitable, le piratage va devenir un problème du passé. »

Concrètement, lorsqu’un lien menant à un fichier contrefait est supprimé par leur service, l’usager qui clique sur ce lien est dorénavant redirigé vers des plates-formes telles que RapidGames ou encore Rapidmovies.

***

Il nous semble évident qu’une grande partie des « adeptes » du téléchargement illégal seraient à même de se tourner vers des solutions légales si techniquement et financièrement celles-ci se montrent justes, appropriées et intéressantes. Aujourd’hui, un internaute souhaitant profiter du maximum des possibilités offerts par le DDL se trouve bien souvent à souscrire un, voire deux abonnements Premium. De plus, et nous ne cesserons de le répéter tout au long de ce dossier consacré à la Riposte Graduée (Réponse Graduée), l’arsenal répressif mis en place depuis peu va inévitablement provoquer deux effets pervers :

  •  dans le cas précis du DDL, la recrudescence de sites frauduleux qui s’enrichissent en toute illégalité, et qui exploitent l’internaute, engendrant ainsi une hausse de la cyber-criminalité ; 
  • le recours de plus en plus important à la cryptographie et aux outils d’anonymisation sur Internet, rendant toute surveillance des activités illégales plus complexe.

Tant que les contrefacteurs (et par extension le crime organisé) pourront tirer un pécule de ces pratiques, celles-ci ne sont pas prêtes de s’arrêter !!

Enfin, un petit aparté sur la nouvelle « carte musique jeune », dernière trouvaille en date pour contrer le téléchargement illégal. Le dispositif a été lancé (le décret vient d’être publié), et soulève déjà des remarques.

Les « jeunes » ne consomment pas que de la musique, mais également des DVD, Blu-ray, jeux vidéo, eBook… Il aurait été plus judicieux d’appeler ce dispositif « carte média jeune » , afin d’inciter les jeunes internautes contrefacteurs à télécharger légalement ces différents types de médias, et profiter ainsi d’une offre de contenu étendue à tous ces supports et ce à moindre coût. En l’état, l’internaute contrefacteur pourra toujours justifier ses actes illégaux par le fait qu’aucune aide ne lui est proposée pour acquérir le film ou le jeu vidéo souhaité, et la pratique du téléchargement illégale sera immanquablement amenée à perdurer.

Nous lançons un appel et nous le demandons expressément, il faut impérativement et le plus rapidement possible étendre ce dispositif à tous les types d’œuvres protégées par le droit d’auteur, et non seulement à la musique, d’autant que le décret semble  le permettre : « Cette contribution peut notamment porter sur les dépenses réalisées pour promouvoir l’offre ou prendre la forme de tarifs plus avantageux sur une ou plusieurs sélections d’œuvres composées d’une part significative d’œuvres de producteurs indépendants ou de durées d’abonnement supérieures en comparaison avec les autres offres du même éditeur. »

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3 commentaires pour l'article “La Réponse Graduée au service des pirates : partie 3 « Le DDL »”

  1. Je partage votre appel solennel ! et je souhaite qu’il soit repris par la presse !

    Excellenete idée le concept de carte Media Jeun’s, nul doute que cela va plaire à Mr Negre 😉
    Et dire que si cela n’était pas la Mission Zelnic mais plutôt la Mission Seydoux, cette carte se serait appelée : Carte Video Jeune !

    Comme disait Albert Einstein « Ne faites rien contre votre conscience, même si l’État vous le demande ».

  2. Bonjour,

    J’ai du mal avec ce concept de carte jeune. Je ne vois pas en quoi de la consommation privée subventionnée par de l’argent public est une bonne chose : cela soutient la consommation des produits visés certes, et compensera sans doute un peu du manque à gagner des distributeurs, mais cela ne change rien au souci qu’il n’y a pas d’offre légale attractive et que les distributeurs et ayant-droits ne remettent aucunement en question le système de distribution et de vente de leurs œuvres alors qu’il est manifestement obsolète.

    C’est à mon sens une fausse bonne idée aujourd’hui.

  3. Je suis d’accord avec Gof, même si il faut le reconnaître, depuis que les millions d’euros ont été promis, il y a tout plein de sites qui se sont créés (16 au moins). Donc cela aura permis de créer et proposer une offre (attractive ou non) qui n’existait pas ou peu.

    En suivant leur idée (carte media jeune), si 25 millions était promis pour une Carte video Jeune, à coup sûr tout plein de majors et distributeurs investiront massivement pour lancer une offree qui n’existe pas, et c’est identique pour les eMag, eBook qui sont très consommés par les jeunes, et qui dire des jeux vidéo quand on voit le prix d’un jeu !

    Finalement je suis partagé, pourquoi subventionné et soutenir le musique en particulier, car ces différents media sont egalement piratés sur Internet…

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