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Les péripéties du projet de loi « Création et Internet » Partie 9

Le retour du projet de loi « Création et Internet » amendé le 28 avril 2009 aurait pu inquiéter les internautes français…     

Le 9 avril 2009, alors que le projet de loi « Création et internet » était sur le point d’être finalement adoptée, les députés de l’opposition ont organisé un coup de théâtre surprenant, repoussant de ce fait le projet de loi. Non découragée, la ministre de la culture, Mme Christine Albanel redéposa le projet de loi pour une seconde lecture. Ainsi, le 28 avril, le texte fut de nouveau amendé en commission des lois, puis examiné le lendemain. Quels sont les principaux éléments à retenir de ces séances ?

     SURVEILLANCE DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

Mardi 28 avril, les députés se sont à nouveau réunis lors de la Commission des lois, afin de redéposer et de voter des amendements au projet de loi « Création et Internet ». En effet, conformément à l’article 45, alinéa 4 de la Constitution, le gouvernement peut demander à l’Assemblée de procéder à une seconde lecture du texte.

Alinéa 4 de l’article 45 de la Constitution :

« Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans le conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée Nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée Nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée Nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le sénat ».

Le texte voté à l’issu de la Commission des lois, le 28 avril, ressemble sensiblement, selon Mme Albanel, à « l’accord trouvé avec le sénat lors de la Commission Mixte paritaire ». En effet, l’opposition a déposé des amendements qui n’ont encore une fois pas été votés, comme réintroduire l’autorité judiciaire dans le mécanisme de la riposte graduée, créer un système de licence collective étendue sur Internet pour rémunérer les artistes ou encore supprimer l’article 2 du texte qui correspond à la mise en place de la HADOPI. Parmi les nombreux amendements déposés, un nouvel amendement inconnu du premier examen du projet de loi a été adopté par le rapporteur Franck Riester. L’amendement CL 64 en question visait à étendre l’obligation de sécuriser la connexion à Internet aux services de communications électroniques, comprenant ainsi les emails.  

Cet amendement est venu modifier deux articles de la sous-section 3 de l’article 2 intitulé « Mission de protection des œuvres et objets auxquels est rattaché un droit d’auteur ou un droit voisin », ainsi que l’article 6 du projet de loi « Création et Internet ».

Article L. 331-28 : « La suspension s’applique uniquement à l’accès à des services de communication au public en ligne et de communications électroniques. Lorsque le service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services, tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services. ».

Article L. 331-30 : « Après consultation des concepteurs de moyens de sécurisation destinés à prévenir l’utilisation illicite de l’accès à un service de communication au public en ligne ou de communications électroniques, des personnes dont l’activité est d’offrir l’accès à un tel service ainsi que des sociétés régies par le titre II du présent livre et des organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, la Haute Autorité rend publiques les spécifications fonctionnelles pertinentes que ces moyens doivent présenter pour être considérés, à ses yeux, comme exonérant valablement de sa responsabilité le titulaire de l’accès au titre de l’article L. 336-3. ».

Article L. 336-3 : « La personne titulaire de l’accès à des services de communication au public en ligne ou de communications électroniques a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise. ».

Selon un juriste spécialisé contacté par le magazine PcINpact, le terme « communication électronique » comprend d’une part la correspondance privée par emails, messagerie instantanée, etc. et d’autre part, la communication au public par voie électronique. Cette seconde branche se décomposerait quant à elle de la communication au public en ligne et de la communication au public par voie audiovisuelle, incluant ainsi les sites de streaming comme Youtube, Daliymotion…

     PLUS DE PEUR QUE DE MAL ?

Le 29 avril 2009, deux séances ont eu lieu afin de discuter du projet de loi, les amendements votés en Commission ne devant être votés qu’à partir du lundi 4 mai 2009. En ouverture des débats, plusieurs députés ont pris la parole, dont M. Alain Néri du PS, qui était Président de l’Assemblée le 9 avril 2009, le fameux jour du rejet de la loi. Celui-ci a dénoncé un passage en force de la majorité « qui ne grandit pas la démocratie et la République » et s’est indigné qu’on lui ait retiré son rôle de Président de l’Assemblée qu’il devait à l’origine assurer. Quant à Mme Martine Billard, elle a relevé un discours du Président de la République, qu’elle juge déplacé et inapproprié, dans laquelle il annonce l’adoption prochaine du projet de loi le 14 mai : « Est-il normal que le Président de la République annonce l’adoption définitive de la loi HADOPI pour le 14 mai alors que c’est à l’Assemblée de fixer son ordre du jour ? ». Mme Billard ne manque pas d’ajouter la gravité des propos tenus par M. Copé, président de l’UMP, qui considère que « ce qui compte, ce n’est pas la teneur d’un texte ». En effet, Jean-François Copé, dans une lettre adressée aux députés de son parti le 23 avril dernier, a fait savoir que « ce n’est désormais plus la teneur de ce texte qui est en cause […], ce qui importe, c’est le problème politique créé par son rejet surprise et par le comportement absurde de l’opposition ».

Après de multiples interventions, c’est Mme la ministre qui a pris la parole pour introduire l’examen du projet de loi, réitérant les chiffres désastreux de l’industrie culturelle sur lesquels elle avait déjà insisté lors du premier examen du projet de loi : « Les chiffres sont éloquents : un milliard de fichiers piratés chaque année en France, autant que d’entrées en salles pour ce qui concerne le cinéma ; un chiffre d’affaires qui chute de 50% pour la musique, de 35% pour le DVD … » Les arguments de Christine Albanel sont très pragmatiques : les ventes numériques par rapport aux ventes totales des œuvres en  France sont faibles (10%), bien inférieures aux Etats-Unis (30%) et à la moyenne des pays comparables (20%), avec à l’appui la pétition des 10 000 artistes pour le projet de loi. « Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, c’est avec beaucoup de force et de conviction que je porte ce projet de loi » annonce-t-elle, et de conclure : « c’est désormais à l’Assemblée nationale de faire en sorte que les consommateurs, les créateurs et les centaines de milliers de salariés des industries culturelles puissent tirer parti des fabuleuses opportunités, culturelles aussi bien qu’économiques, d’un Internet civilisé ».

Pour ne rien changer aux échanges passionnés auxquels nous avons été habitués lors des débats précédents pour la première lecture du projet de loi, les députés de l’opposition n’ont pas manqué de relever des incohérences dans le discours des partisans de la loi HADOPI. Ainsi, Patrick Bloche, député socialiste, s’est quelque peu moqué de l’argument fort de Mme Christine Albanel, qui élève les français au titre de « champions du monde du téléchargement », argument étonnamment utilisé par beaucoup de pays… En effet, lors d’un congrès du disque à Montréal, les canadiens ont également été élus « champions du monde de téléchargement », quant à l’Espagne, la SGAE, équivalent de la SACEM en France, a annoncé lors du Midem 2008 que les espagnols étaient aussi les « champions du monde du téléchargement ». Aussi, a-t-il demandé à voter l’exception d’irrecevabilité, qui n’a (évidemment) pas été adoptée avec 135 voies pour son adoption et 223 contre.

Au cours de cette journée, un élément surprenant a eu lieu, mais également sans doute rassurant pour les internautes français. En effet, le rapporteur Franck Riester est finalement revenu sur l’amendement CL 64 qui visait à étendre l’obligation de sécurisation de la ligne aux services de communications électroniques. En effet, afin de ne pas faire peser « une légitime interrogation sur une éventuelle obligation pour ce même abonné de surveiller les correspondances électroniques de son entourage pour se dédouaner de sa responsabilité », le rapporteur a finalement présenté l’amendement 135 qui vise à supprimer les mots « ou de communication électronique » à l’alinéa 131. « Ainsi, il est très clair que les abonnés ne seront pas astreints à un contrôle des communications électroniques de leur entourage », conclut l’exposé des sommaires de l’amendement. La liberté des courriers électroniques est-elle vraiment sauvegardée ? Un expert-sécurité a transmis le 29 avril un courrier au magazine pcINpact, dans lequel il prévient que le risque de surveillance des correspondances électroniques n’a pas été « nettoyé » dans tout le texte. A-t-il réellement raison ou est-ce une inquiétude qui n’a pas lieu d’être ?  

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