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Les péripéties de la « Copie Privée » Partie 2

2008, une année tourmentée pour la Commission d’Albis

La Commission d’Albis s’est beaucoup réunie en 2008 mais ses membres n’ont pas toujours été au complet et les décisions n’ont pas souvent fait l’unanimité… Retour sur une année agitée et controversée.

   LA COMMISSION CONTESTÉE PAR CERTAINS DE SES MEMBRES       

               Les associations de consommateurs dénoncent la « double peine »

La Commission copie privée compte parmi ses membres un collège composé d’associations de consommateurs. En décembre 2007, trois associations de consommateurs, l’UFC Que Choisir, la CLCV et Familles de France ont décidé d’attaquer la Commission pour copie privée devant le Conseil d’Etat, estimant que l’évaluation des taxes ne correspondait pas réellement à l’usage des supports fait par les consommateurs. Cette information rendue publique le 8 janvier 2008 par Les Echos, a soulevé un véritable problème de fonctionnement au sein de la Commission. Considérant que « le gouvernement ne doit pas sacrifier le droit légitime d’usage de tous les acquéreurs sur l’autel des intérêts purement mercantiles des ‘majors’ » dixit l’UFC Que Choisir, les trois associations dénoncent également un système de double peine injustement appliqué aux consommateurs. Elles mettent ainsi le doigt sur un paradoxe ouvertement affirmé par la Commission. D’un côté, les internautes se vouant à des téléchargements illégaux sont punis de peines pénales, et de l’autre côté, les ayants droit bénéficient de taxes payées par les consommateurs pour se prémunir du préjudice subit de la contrefaçon numérique. Julien Dourgnon, directeur des études et de la communication de l’UFC Que Choisir déclarait d’ailleurs que « On ne peut pas à la fois être passibles de poursuites pour piratage, et payer la taxe pour copie privée. En théorie, la taxe doit être assise uniquement sur les capacités utilisées pour la copie privée, et donc devrait être deux fois moins importantes ». Et d’ajouter : « Il faut que les sociétés d’auteurs telles que la SACEM et la SACD arrêtent leur double jeu et choisissent ». 

               Les industriels contestent le calcul arbitraire et surévalué des taxes

En février 2008, la Commission d’Albis a connu de nouveau une période critique et polémique, cette fois-ci orchestrée par un autre collège. En effet, les industriels (collège des fabricants et importateurs de supports) ont contestés à leur tour le fonctionnement de la Commission et ont décidé le 18 février 2008 de se retirer de la commission pour la majorité d’entre eux, à la veille de la réunion destinée à fixer le montant de la taxe sur les téléphones mobiles multimédias. Dénonçant un fonctionnement de la Commission non équilibré, ils reprochaient également le manque d’études fiables et exhaustives qui permettraient de calculer plus justement le barème de la taxe. Ils s’indignaient ainsi dans un communiqué que « Cette décision, prise sans démonstration par une étude d’usages préalable, de la réalité et de l’importance de la pratique de l’exception de copie privée par les consommateurs, est frappée de nullité juridique ». Par ailleurs, les industriels avaient dénoncé la prise en compte de la contrefaçon numérique dans le calcul de la taxe. Or, en principe, la rémunération pour copie privée ne doit s’appliquer uniquement à la copie des œuvres acquises légalement et dans la sphère familiale.

Ce n’est qu’en octobre 2008 que les trois syndicats représentants les industriels ont pris la décision de revenir au sein de la Commission d’Albis, sous réserve cependant que Eric Besson, le secrétaire d’état à l’économie numérique répondent aux questions formulées dans une lettre en juillet 2008. Ils ont notamment réclamé la nécessité d’études approfondies et effectuées par un organisme compétent et indépendant pour déterminer le montant de la taxe.    

               L’association des opérateurs mobiles s’engouffre dans la brèche ouverte

L’AFOM, Association française des opérateurs mobiles s’est lancée dans la même voie que les industriels. Réclamant l’annulation des redevances pour copie privée appliquées depuis mai 2008 sur certains téléphones mobiles, dont l’iPhone, l’association a décidé le 11 juillet 2008, de se joindre à la procédure lancée par le syndicat industriel SIMAVELEC devant le Conseil d’Etat. L’AFOM dénonçait par ailleurs les conséquences sur le pouvoir d’achat des consommateurs des taxes trop élevées et estimées par des méthodes de calcul dépourvues d’études exhaustives pour justifier un tel montant.   

     LES ABUS SONT DÉNONCÉS ET LA COMMISSION REMISE EN CAUSE

               La Commission se plie au jugement du Conseil d’Etat

Les industriels qui avaient dénoncé la prise en compte de la contrefaçon numérique dans le calcul de la redevance pour copie privée ont eu un premier avis favorable le 26 mai 2008. Le syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC) avaient porté plainte devant le Conseil d’Etat pour la décision n°7 du 20 juillet 2006 de la Commission d’Albis relatif à la fixation de la redevance, jugée trop élevée, pour les CD, les DVD, disques durs externes et disques durs internes dans les appareils de salon. La Commissaire du Gouvernement, Célia Vérot avait rendu ses conclusions en faveur du SIMAVELEC, qui demandait l’annulation de la redevance.

Quelques semaines après, le 11 juillet 2008, le Conseil d’Etat confirmait l’avis de la Commissaire du Gouvernement au sujet de la décision n°7 du 20 juillet 2006. Ainsi, la redevance qui avait été fixée sur les supports vierges fut annulée, le Conseil d’Etat jugeant que le calcul de la redevance pour copie privée ne devait prendre en compte uniquement la copie de source légale. En effet, juridiquement, le fait de taxer sur des sources illicites relève du recel, comme le définit l’article 321-1 du Code pénal : « Constitue (…) un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d’un crime ou d’un délit ». Toutefois, cette décision ne prendra effet normalement qu’en janvier 2009 puisque son application nécessitait un délai de six mois à compter du jugement. De plus, cette décision ne sera pas rétroactive, ce qui signifie que les consommateurs qui ont acheté ces types de supports depuis juillet 2006 ne seront pas remboursés.

Ce jugement aurait pu laisser penser que le montant des taxes diminuerait, puisque la copie de sources contrefaites ne serait plus prise en compte, mais les ayants droit ont tout de suite démenti cette hypothèse. En effet, Marc Guez, directeur général de la SCPP l’avait annoncé : « il n’y a aucune raison de baisser le montant de la redevance, on pourrait même le relever », ajoutant par la même occasion que « Nous avions fait beaucoup de concessions pour que la redevance ne soit pas trop élevée pour les consommateurs et pour ne pas freiner le marché. Eh bien nous allons être beaucoup moins complaisants ». En effet, selon certains ayants droit, dont la SCPP, le taux moyen de compression avait été volontairement sous estimé. Or, plus le taux de compression est important et plus la capacité augmente, agissant de ce fait sur le montant de la taxe. C’est donc sur la réévaluation du taux de compression que les ayants droit comptaient désormais se baser pour calculer la redevance, ce qui se vérifiera d’ailleurs quelques mois après.

               Le plan Besson entend réformer la Commission d’Albis

Eric Besson, l’ancien secrétaire d’Etat à l’économie numérique avait lancé le 2 avril 2008, un vaste plan de développement de l’économie numérique, projet repris désormais par Nathalie Kosciusko Morizet, nouvelle secrétaire à la prospective et à l’économie numérique depuis le 15 janvier 2009. Commandité par le Président de la République et le Premier Ministre, le « plan Besson » a vocation à amener la France parmi les grandes nations numériques d’ici 2012 et propose notamment dans ses grandes lignes de réformer la Commission copie privée. Concrètement, 6 solutions sont envisagées, afin de « proposer une amélioration du fonctionnement actuel de la Commission », parmi lesquelles on pourra retenir principalement :

  • « afficher le montant de la rémunération pour copie privée du prix de vente » : le consommateur aura ainsi pleine connaissance de son achat et de la redevance destinée aux ayants droit ; 
  • « doter la commission de moyens propres, affectés à la réalisation d’études indépendantes » : ces études permettront à la commission de connaître exactement l’usage des supports par les consommateurs afin de mieux estimer le montant de la taxe pour copie privée, ce point répond notamment aux demandes formulées par les industriels dans leur lettre adressée à Eric Besson ;
  • « introduire la disposition selon laquelle un mandat de membre se perd de plein droit, en cas de trois absences consécutives non justifiées » : cette proposition fait sans doute référence au collège des industriels qui a plus d’une fois pratiquée la politique de « la chaise vide » pour exprimer son mécontentement.

     LA RÉÉVALUATION DE LA REDEVANCE PAR LA COMMISSION

               Les ayants droit réclament la hausse de la taxe pour copie privée 

Le 19 Novembre 2008, la Commission d’Albis s’est à nouveau réunie dans le but de discuter des nouvelles méthodes de calcul d’évaluation de la redevance. Lors de cette réunion, l’ensemble du collège des ayants droit a réclamé une hausse de 15 % de tous les barèmes de rémunération pour copie privée. Les ayants droit avaient prévenu, la décision du Conseil d’Etat ne signifiera pas une baisse de la redevance. Charles-Henri Lonjon, secrétaire général de SORECOP et de Copie France s’était d’ailleurs exprimé en ces termes : «  On se réserve le droit de réexaminer les concessions faites à l’époque. Il n’est pas dit que la rémunération doit baisser nécessairement ».

A l’annonce de cette augmentation possible, une grande partie des industriels, outrés, ont à nouveau « boycotté » la réunion du 10 décembre 2008 destinée à voter les nouveaux montants de la taxe pour copie privée. Les syndicats d’industriels ont été surpris que la décision du Conseil d’Etat, mettant fin à la considération de la copie privée de sources contrefaites dans le calcul de la redevance, n’ait pas été respecté. « (…) cette méthode de calcul ignore une nouvelle fois les injonctions du Conseil d’Etat » s’étaient-ils alors indignés. Pourtant, et les ayants droit l’avaient prévenu, ce n’est pas la copie privée de sources illicites qui justifierait une hausse de 15 % de la taxe, mais la réévaluation du taux de compression des supports.

               La redevance finalement maintenue aux tarifs d’origine

En raison de la politique de « la chaise vide » adoptée par la majorité des industriels, la Commission d’Albis fut repoussée au 17 décembre 2008. Et contre toute attente, la hausse des 15 % prévue n’a finalement pas été votée. L’ensemble des taxes pour copie privée n’a pas pour autant diminué, mais s’est vu maintenir aux tarifs déjà pratiqué jusqu’alors. Dans une interview accordée à pcINpact, Thierry Desurmont, vice-Président du Directoire de la SACEM, a déclaré que les prix auraient dû augmenter avec la réévaluation du taux de compression des supports et ce, même si le facteur copie privée de sources illégales n’était plus pris en considération. C’est au regard de la conjoncture économique difficile pour les français que la Commission d’Albis a décidé de ne pas augmenter les taxes mais de les maintenir.

               Les industriels n’ont pas dit leur dernier mot…

Malgré la justification des ayants droit relative au maintient des redevances pour copie privée, trois syndicats d’industriels en désaccord avec cette décision ont, dès le lendemain, porté l’affaire devant le Conseil d’Etat. En effet, Le SECIMAVI, le SIMAVELEC et le SNSII ont annoncé qu’ils attaqueraient devant le Conseil d’Etat la décision du 17 décembre 2008, en appelant également à l’arrêt immédiat des travaux de la Commission en attendant la réforme d’Eric Besson en 2012.

               Les ayants droit reviennent à la charge pour l’augmentation de la taxe de 15 %

Alors que l’augmentation de 15 % de la redevance pour copie privée avait finalement été abandonnée à grands regrets des ayants droit fin 2008, ces derniers comptent bien la faire adopter en 2009. En effet, les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée vont réitérer leur demande de réévaluation de l’ensemble des barèmes de 15 % à la hausse, au motif que la capacité de compression des supports est aujourd’hui plus importante. La SPPF annonçait d’ailleurs : « Pour nous cette demande devrait s’effectuer dans le courant du printemps 2009. La réactualisation est nécessaire non pas pour augmenter les revenus mais pour les stabiliser. L’objectif est purement et simplement des les stabiliser pour compenser l’hémorragie que nous allons subir en 2009 ». Du côté de la SACEM, cette demande ne serait pas encore planifiée comme l’indique Thierry Desurmont, vice président du directoire de la SACEM : « l’éventualité n’est pas abandonnée. Maintenant, quel est le calendrier ou le montant de cette actualisation, en l’état actuel des choses, rien n’est fixé (…)».

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