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L’impact de la contrefaçon numérique sur la vente de DVD

Le DVD se noie petit à petit dans les eaux agitées de la contrefaçon numérique…

Depuis quelques années, la vente de DVD est en chute libre en France et il semble que la contrefaçon numérique doublée d’une offre légale jugée peu attractive pour bon nombre d’internautes ne soit pas totalement étrangères dans ce constat. Pourquoi le DVD attire de moins en moins les consommateurs ? La société migre-t-elle vers de nouveaux modes de consommation de la culture cinématographique ?

     LE DVD EN VOIE DE DISPARITION

               Les chiffres témoins d’un recul alarmant

D’années en années, la vente de DVD baisse et laisse peu d’espoirs au marché de remonter la pente. En 2006, la vente de DVD a connu une diminution importante, -5,2% par rapport à 2005. Les recettes ont suivi logiquement la tendance, supportant une baisse de 7,0% du chiffre d’affaires. L’année 2007 a continué sur le même schéma, enregistrant un recul des ventes de DVD de 4,1% pour une évolution du chiffre d’affaire conséquente : -10,7%. Et l’année 2008 ne déroge pas à cette tendance alarmante. Elle révèle une diminution des ventes de DVD de 5,7% en volume sur les neuf premiers mois de l’année 2008, soit une baisse de 10.9% du chiffre d’affaire par rapport à la même période en 2007, selon le baromètre vidéo. publié par le Centre national de la cinématographie en partenariat avec le cabinet d’études GFK. Ainsi, d’après le Syndicat des Editeurs de Vidéo numérique (SEVN), le marché français a connu une baisse cumulée de 25% en valeur en 3 ans. Malgré la forte augmentation de la vente des supports haute définition (Blu-ray Disc et HD DVD), la vente globale des vidéos souffre considérablement, comme on peut s’en rendre compte avec deux graphiques :

 

Evolution de la vente de DVD (en millions d’unités vendus)

 

Evolution du chiffre d’affaire du marché du DVD (en millions d’euros) 

 

Sources des deux graphiques : de 2001 à 2003 : SEVN ; de 2004 à 2006 : CNC ; 2007 : CNC ; 2008 : CNC

 

               L’offre illégale très attractive

La France connaît une des plus fortes baisses de la vente de DVD par rapport à ses voisins européens. En effet, entre 2006 et 2007, l’Irlande,  l’Angleterre, le Danemark ou encore l’Allemagne ont bénéficié d’une progression de respectivement 11.9 %, 9.3 %, 4.9 % et 2.6 % de leurs ventes de DVD. En moyenne, l’Europe occidentale a profité d’une hausse de 6.6 % sur la même période. Alors pourquoi la France est-elle autant touchée par cette tendance négative ? Quelles peuvent être les raisons d’une telle diminution des ventes de DVD ? L’offre illégale est un frein non négligeable au marché des DVD. D’ailleurs, la France est l’un des pays les plus touchés par ce phénomène. De plus, la chronologie de la contrefaçon numérique est très attractive : les œuvres contrefaites sont disponibles sur les réseaux Peer-to-Peer et sur les sites UGC environ 3 à 8 semaines après la sortie au cinéma, donc bien avant la sortie commerciale des films. Parfois, elles sont mêmes présentes avant que le film ne soit à l’affiche. Et pour cause, les versions canadiennes sont au box office plusieurs semaines avant la France et la sortie DVD des films en Russie est très antérieure à la sortie commerciale française. Ainsi, les premières versions contrefaites d’œuvres cinématographiques sont souvent des fichiers dits « DVD R5 », qui correspondent à un fichier contrefait provenant d’un DVD russe avec une bande son la plupart du temps québécoise. Etant donné que l’image d’un DVD R5 a pour origine un DVD, la qualité de ce type de copies contrefaites est relativement bonne. Le caractère gratuit ajouté à la qualité des fichiers font donc de ces versions contrefaites, des rivales de taille au DVD. En fait, le prix constitue sans nul doute le frein majeur à la vente de DVD en France (en moyenne 19,25 €), c’est pourquoi nombre de consommateurs se tournent plus facilement et de plus en plus souvent vers les versions contrefaites des films. Force est de constater, malheureusement, que le DVD n’est pas suffisamment compétitif par rapport à l’offre illégale, ce qui déteint significativement sur le marché. Toutefois, il semble qu’il existe d’autres raisons à cette baisse de la vente de DVD, éléments qui pourtant pourraient être améliorés pour redonner du souffle au marché des DVD.

     LES AUTRES FACTEURS A PRENDRE EN COMPTE

               Les problèmes de compatibilité entre les formats de DVD

Tout d’abord, le problème d’interopérabilité semble jouer sur cette tendance négative des ventes. Pendant un temps, 3 formats différents de DVD ont cohabité dans les rayons : le DVD, le Blu-ray Disc et le HD-DVD. Cette diversification des offres auraient pu se révéler un atout puisque le consommateur aime avoir le choix dans ses achats. Mais ces trois formats ne pouvaient être lus par tous les types d’appareil et parfois, les films ne sortaient pas sur chacun des supports. Devant cette complexité de l’offre légale, qui plus est onéreuse, les consommateurs révèlent une certaine réticence à acheter des supports vidéo légaux. Par exemple, les lecteurs de HD-DVD ne pouvaient lire que le format HD-DVD et le format DVD, mais pas les Blu-Ray Disc, idem pour le lecteur Bu-Ray Disc et son incompatibilité avec les HD-DVD. De surcroît, les formats disparaissent rapidement pour laisser place à de nouvelles technologies de qualité supérieure. Ainsi, les consommateurs qui ont misé sur le lecteur HD-DVD se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse puisque le format HD-DVD a disparu. En effet, la concurrence entre le HD-DVD et le Blu-Ray Disc s’est éteinte le 19 février 2008, lorsque Toshiba a annoncé l’abandon de la technologie HD-DVD (même si les stocks non écoulés se vendent encore aujourd’hui à prix cassés). Le Blu-Ray Disc de Sony s’est donc imposé comme le leader sur le marché des DVD hautes définitions, mais ce dernier n’est pas à l’abri de se faire remplacer par de nouvelles technologies : Samsung lui prévoit une espérance de vie de 5 ans seulement. 

Il y aurait ainsi d’autres supports vidéo qui pourraient déstabiliser le règne de la technologie Blu-Ray. Le HVD (Holographic Versatile Disc, en français Disque Holographique Polyvalent) propose déjà une capacité de stockage de 300 Go, et d’ici 2010, il sera en mesure de supporter le volume considérable de 1.6 Téra octets. Pour le moment, seules les grandes entreprises bénéficient du HVD pour leurs archives. Et pour cause, cette nouvelle technologie a un prix : 18 000 dollars pour le lecteur et 180 dollars pour le HVD. En attendant d’être fiable pour une diffusion grand public, le Blu-Ray Disc devrait encore profiter de quelques années de répit, au moins cinq selon Samsung…

La course à la technologie est certes, essentielle pour le progrès, pour la modernisation et l’innovation, mais d’un autre côté elle peut dépasser les consommateurs, qui ont juste le temps de s’adapter et de s’équiper quand une nouvelle technologie vient remplacer la précédente. En tout état de cause, il faudrait tenir compte du pouvoir d’achat des consommateurs, qui ne peuvent se permettre de réinvestir régulièrement dans des lecteurs et des supports vidéographiques dernier cri.    

               Les mesures techniques de protection

Outre ces évolutions technologiques qui entraînent nécessairement des problèmes de compatibilité entre supports et lecteurs, un autre facteur, celui-ci volontaire, pourrait expliquer la baisse de la vente de DVD : les mesures techniques de protection (MTP ou DRM de l’anglais Digital Rights Management). Celles-ci sont parfois présentes sous forme de cryptage qui rend le DVD illisible par certains logiciels : il existe des DRM Microsoft, Mac… Comment expliquer qu’un film acheté légalement, ne puisse être lu par un appareil de lecture acheté lui aussi de manière légale ?

Le projet de loi « Création et Internet » a soulevé ce problème qui se révèle être un véritable frein d’achat pour le consommateur. Mais au niveau des accords interprofessionnels comme au niveau du législateur, rien est prévu pour supprimer ou tout du moins limiter les mesures techniques de protection sur les œuvres cinématographiques légales physiques (DVD) et en ligne (sur Internet). Les Accords de l’Elysée signés en 2007 entre les fournisseurs d’accès à Internet et les principaux acteurs de la sphère culturelle ont envisagé la suppression des DRM, mais uniquement pour les titres musicaux à l’unité et français. Par ailleurs, le projet de loi « Création et Internet » s’est vu doté d’un amendement lors de l’examen du projet de loi dans la Chambre du Sénat les 29 et 30 octobre 2008. Ainsi, au chapitre 4 du texte s’ajoute l’article n°9 qui prévoit le retrait des mesures techniques de protection sur les catalogues d’œuvres musicales mis en ligne, dans un délai de six mois à compter de son adoption par les députés, dans le cadre d’accords interprofessionnels. 

L’œuvre audiovisuelle a ainsi été totalement écartée des dispositions prises pour améliorer l’offre légale, en matière de DRM. Pourtant, leur retrait aurait pu se révéler être une solution, notamment pour tenter d’inverser la tendance négative de la vente de DVD. En tout état de cause, le maintient de ces mesures techniques de protection n’encourage guère le consommateur à se tourner vers l’offre légale au niveau des œuvres audiovisuelles.

                L’émergence de nouveaux modèles économiques

La VOD pourrait-elle avoir un impact sur le marché des supports audiovisuels ? On peut se demander en effet si le développement de la VOD, qui diversifie par conséquent l’offre légale, ne pourrait pas rentrer en ligne de compte dans la diminution des ventes de DVD. Peu de consommateurs sont en mesure de pouvoir acheter un film par la voie de la VOD et de payer en plus sa version DVD. De surcroît, la conjoncture économique actuelle qui se traduit par une baisse du pouvoir d’achat rend encore moins probable cette hypothèse. Actuellement, la fenêtre VOD de la chronologie des médias recense peu d’adeptes, notamment en raison de son prix qui reste élevé par rapport à l’usage que le consommateur peut en retirer : la plupart des offres VOD sont munies de contraintes techniques strictes qui empêchent toute reproduction ou enregistrement sur l’ordinateur du film. Mais la VOD tend de plus en plus à se diversifier et à devenir attractive, avec notamment l’apparition de nouveaux modèles économiques, comme Orange et son offre Orange cinéma Séries. La télévision de rattrapage régie par le publi-financement est également un concept qui séduit de plus en plus, à l’image du succès de M6Replay, qui propose de revisionner pendant une durée comprise entre 1 à 2 semaines, les programmes télévisés diffusés sur la chaîne, comme les séries. Il paraît donc important de tenir compte de l’essor de ces nouveaux modèles économiques pour comprendre l’origine de la baisse de la vente de DVD et également pour être en mesure de l’anticiper.

     LES CONSOMMATEURS TOUJOURS SÉDUITS PAR LA CULTURE « VIVANTE »

Dans un précédent post, nous avions observé la situation du cinéma en France, qui résiste à la contrefaçon numérique et continue d’attirer les spectateurs dans les salles obscures. Aussi, le parallèle avec la baisse de la vente de DVD semble évident : si les consommateurs sont de moins en moins séduits par l’offre légale physique, la culture cinématographique « vivante », à savoir le cinéma, est toujours appréciée et attractive. De même, ce constat peut également s’observer pour la musique. Si la vente de CD connaît une baisse, les consommateurs sont toujours friands de la culture musicale « vivante » : les concerts et autres spectacles musicaux (comédies musicales…). Ainsi, selon une étude publiée par le CNV (Centre national de la Variété, de la chanson et du jazz) en septembre 2008, l’évolution de la fréquentation des concerts dévoile une courbe croissante. Déjà en 2006, la fréquentation des concerts était en hausse par rapport à l’année précédente, et 2007 ne déroge pas à cette tendance : +5% d’entrées toutes catégories confondues (payantes et gratuites) et tous genres confondus. Les concerts pop rock, les comédies musicales et les concerts électro connaissent d’ailleurs la plus forte augmentation. Pourquoi ces écarts existent-ils entre la culture dite « physique » et la culture « vivante » ? A l’évidence, il semble que rien ne pourrait concurrencer l’ambiance populaire voire festive des cinémas et des concerts. Même si la contrefaçon numérique est dotée d’avantages évidents pour les consommateurs (la facilité et surtout la gratuité), une conclusion s’impose : rien ne pourrait remplacer le prix de moments forts et intenses vécus dans les salles de cinéma et les salles de concerts.

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2 commentaires pour l'article “L’impact de la contrefaçon numérique sur la vente de DVD”

  1. Merci de cette analyse !
    Je suis 100% d’accord avec tout cela !

    * Les DRM sont une aberration, ainsi que le zoning : Ces choses n’existent QUE pour la segmentation du marché, et n’apportent rien aux consommateurs si ce n’est une régression: Les K7 vidéos n’était PAS zonées ( Les TV magnétoscope multistandards existent & sont légaux , en plus il y avais une raison technique derrière ces standards)

    D’autant plus que de nombreux appareils multimédias vendus pas trop cher (appareils portables chinois, « dreambox », set-top-box, consoles de jeux,smartphone…) ne supportent pas ces DRM => le PC sous windows *qui marche bien* ET *mis à jour* est obligatoire: Rédhibitoire pour quasiment toute la population à l’heure actuelle.

    Enfin, les DRM avec contrôle à distance sont trop dépendants du matériel (si on change de PC, c’est mort) , et du fournisseur: en cas de faillite, ou rachat, c’est mort, et l’on a payé pour du vent. Inacceptable.

    * Si TOUTE les sorties (Film ou TV) étaient mondiale, en VO, le piratage serais beaucoup moins présent, en particulier sur les séries: Au nom de quoi m’interdit-on de *voir* une série (ou même un film) en même temps que les américain ? (ou qu’un autre pays, d’ailleurs)
    Je parle anglais, je peux voir une émission en VO comme une grande partie de personnes en France, à l’heure actuelle, n’en déplaise a nos décideurs.

    Aucune offre n’existe pour cela, en France. C’est absolument anormal.

    Je peux comprendre que les doublages prennent du temps, et certaines personne en ont besoin.
    Mais au nom de quoi nous obliger à les subir ? Ce nivellement par le bas est inacceptable a notre époque, et d’autant moins que, auparavant, c’était possible (Je me rappelle des cartons de VHS NTSC qui arrivais par colis…)

    Je serais d’ailleurs curieux de voir si les quelques sorties mondiales des grosses productions ont affecté les ventes de places de cinéma & impacté le piratage.

    Quant au support lui-même: Le DVD reste fragile (plus qu’un CD qui l’était déjà), et à part les collectionneurs, de moins en moins de jeunes ont envie d’un mur de DVDs comme la la grande époque… là ou un disque dur suffit à présent.
    Autant en tenir compte ! le prix y est aussi bien sur pour quelque chose.

    Le Blueray reste encore un « truc de riches » car outre les lecteurs qui ont il est vrai bcp baissés, c’est surtout l’écran qui reste très cher.
    Or, pour regarder une super-production OK c’est utile, mais pour regarder 1 épisode d’une série / semaine, ce n’est PAS nécessaire, surtout lorsque la majorité des gens se contentent d’un .avi en 320×240…

    Une solution est la VOD (mais le fait de ne pas pouvoir collectionner les épisodes pour se les repasser à loisir est rédhibitoire), une solution serais soit la vente des épisodes à prix réduit en fichiers sans DRMs, mais en basse qualité (genre 640×480) & tatoués, et une version HD, légèrement plus chère, tatouée aussi.
    Un prix « raisonnable » serais ~20€/saison de série (3€/film) pour de la basse qualité. La perte de rémunération serais compensé par le nombre potentiels d’acheteurs. Ceux qui y perdraient le plus seraient les transporteurs, *et les intermédiaires de vente* type la FNAC (et à mon avis, c’est a eux (ou une filiale) qu’il faudrait proposer la mise en place de ce service pour compenser)

    Le tout sur un BON serveur avec login/mdp, si possible avec des mirroirs chez les FAI pour diminuer le temps de téléchargement & limiter les coûts de peering des FAI (Sinon ils ne seront pas d’accord, ex. Neuf vs. Dailymotion)

    La, il y aurais du profit à faire, avec un coup d’infrastructure cher mais fixe, et à condition de casser la chronologie des médias quitte à diffuser en VO seulement : Le fait d’être *sur* de trouver le film/série, à date fixe, bien encodé et compatible avec tous les équipement disponibles est un service monnayable.

    En ce moment, à la place ces sommes engagés par les utilisateurs sont affectées aux prestataires informatiques des VPN, Seedbox et autres « Dons » aux trackers, sans rémunération aux créateurs. Si c’est cette « filière » que vous voulez étouffer, pourquoi ne pas commencer par capter ces flux financiers vers votre poche plutôt que dans la leur ?

  2. A quand une licence globale ??? Deezer le propose pour la musique sur le téléphone, ne peut on envisager une licence globale légale ?
    Pourquoi acheter un CD 15€ ou 12*1€ sans le support physique en DL sur la Fnac … quand on doit mettre 100 ou 150 € ds une place de concert …

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