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ACTA ou l’organisation du filtrage : partie 1

ACTA ou Anti Counterfeiting Trade Agreement (en français ACAC pour Accord commercial anti-contre-façon), est un accord plurilatéral de lute contre la contrefaçon qui s’inscrit dans la lignée des accords de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle de 1996.

Les accords de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelleont ont été  intégrés dans les législations nationales des différents pays signataires. En Europe, ils ont abouti à la directive sur le droit d’auteur de 2001, directive à son tour transposée dans les Etats membres. C’est notamment ainsi qu’est née en France la loi DADVSI : Loi relative au Droit d’Auteur et aux Droits Voisins dans la Société de l’Information du 1 août 2006.

En 2006 les Etats Unis et le Japon ont pris l’initiative  de lancer de nouvelles réflexions pour continuer l’adaptation nécessaire du droit et ont convié les autres nations à ces travaux, leur finalité étant de trouver des réponses pertinentes à la prolifération de toutes les formes de contrefaçon.

En octobre 2007, la Commission Européenne sollicitait des Etats membres un mandat pour négocier un traité sur la « définition de pratiques communes », et « la création d’un cadre juridique moderne et solide qui reflète l’évolution du vol de propriété intellectuelle dans l’économie mondialisée, y compris l’essor des supports médiatiques numériques faciles à copier et le danger croissant que les contrefaçons de produits alimentaires et pharmaceutiques font peser sur la santé ».

En juin 2008 le groupe s’est élargi et des délégations d’Australie, du Canada, du Mexique, du Maroc, de la Nouvelle-Zélande, de Singapour, de la Corée du Sud et de la Suisse ont rejoint l’Union européenne et ses 27 États membres, le Japon et les Etats Unis.

L’accord n’est toujours pas finalisé mais, puisqu’à n’en pas douter, ces négociations aboutiront, il est intéressant de s’attarder sur certaines des mesures envisagées dans la lutte contre la contrefaçon numérique. Ici, comme en écho à ce qui existe déjà au niveau national, on voit apparaître la notion de filtrage.

Mais avant d’analyser plus finement cet aspect, il convient, dans un premier temps d’aborder les polémiques nées autour de l’absence de transparence dans la conduite des négociations puisque malheureusement, les débats se concentrent principalement sur ce point.

Le manque de transparence

L’ACTA est en effet discuté dans une grande opacité suite à la demande des Etats-Unis de classer secret-défense des documents de travail. Il arrive fréquemment que les détails des négociations commerciales entre États souverains ne soient pas divulgués, mais aujourd’hui, le public  directement concerné par les lois qui découleront du traité réclame de la transparence.

Après de nombreuses demandes, le bureau du Représentant américain au commerce a finalement accepté d’ouvrir la consultation à 42 organisations et personnalités (des industriels et aussi des collectifs de défense des droits civils). Mais cette  liste de personnes invitées à consulter le texte est gardée secrète,  et ces personnes ont, au préalable, signé un accord de non-divulgation qui leur interdit de parler des négociations et surtout de ce que contient le traité.

Le contenu de l’ ACTA

Ce sont donc uniquement des fuites qui permettent d’en connaître le contenu, qui prévoit notamment « riposte graduée » et « filtrage » dans tous les pays. Des commentaires de l’Union Européenne sur la proposition américaine pour l’ACTA datés du 29 novembre ont d’ailleurs quelque peu fuité.

Le chapitre Internet est tout particulièrement instructif :

Outre une protection renforcée des mesures techniques de protection, plus communément appelées DRM, le traité oblige les états signataires à mettre en place des mesures « efficaces » contre les violations des droits d’auteur sur Internet. Ces mesures semblent être de deux ordres, d’une part une généralisation de la riposte graduée pour responsabiliser et sanctionner les internautes et d’autre part, des mesures de filtrage qui s’imposeraient aux différents intermédiaires techniques, FAI, hébergeurs, éditeurs de services…  Pour le moment, ils ne sont responsables que s’ils ne retirent pas promptement les contenus illicites après notification.

Avec l’ACTA, ils risquent de se voir imposer de nouvelles conditions pour se dégager de leurs responsabilités en cas de contrefaçon. Ils devront mettre en place un système  permettant de  bloquer l’accès à certains sites ou contenus après notification. L’idée de réserver l’immunité aux  FAI qui acceptent la mise en place de mesures techniques de détection et de protection (donc de filtrage) des contenus protégés par le droit d’auteur se rencontre par ailleurs dans d’autres accords de libre échange.

Force est alors de constater que le filtrage est en passe de s’imposer comme une réelle mesure de régulation et de gouvernance d’Internet.

Le filtrage généralisé

Ainsi, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la Sécurité intérieure (LOPPSI) qui a été présenté au Conseil des ministres le Mercredi 27 mai 2009 fait lui aussi état de filtrage. Dans le but de lutter contre les nouvelles formes de délinquance, le blocage des sites  et contenus à caractère pédopornographique est expressément prévu, à l’instar de ce qui existe dans de nombreuses démocraties voisines (le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, le Danemark, l’Italie, l’Allemagne…).

Dans le projet de loi, le principe est très simple, le ministère de l’Intérieur indique aux Fournisseurs d’accès à Internet la liste noire des sites et contenus à bloquer, et ce sont les Fournisseurs qui empêchent l’accès à ces sites et contenus.  Certes, le filtrage est ici limité aux sites à caractère pédopornographique, mais ne devrait pas tarder à s’étendre aux sites de jeux en ligne, de vente de tabac…. Si il est possible aux FAI de filtrer ces contenus, pourquoi ne pas généraliser et l’imposer comme le suggère l’ACTA aux atteintes à la propriété intellectuelle.

*

Rappelons pour conclure que le dispositif français en matière de lutte contre la contrefaçon n’a pas écarté cette possibilité. Alors que la loi a été adoptée depuis le 12 juin 2009, le cadre juridique pour imposer le filtrage existe en France. Les ayants droit vont ils demander au juge d’imposer des mesures de filtrage aux FAI et autres intermédiaires techniques ?

Ce faisant, les juges français seraient précurseurs dans l’utilisation du filtrage comme un des moyens de régulation du cyberespace.

 

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3 commentaires pour l'article “ACTA ou l’organisation du filtrage : partie 1”

  1. Vous êtes similaires a des obscurantistes, censeurs d’un autre âge, vous cautionnez des méthodes que Vichy n’aurait pas reniées, telles que pressions, chantage, menaces, délation, milices, atteintes aux libertés individuelles et collectives, censure, filtrage, dépréciations de valeurs telles que la culture et le savoir a des fins bassement mercantiles et serviles.

    Toutes ces lois, que vous prônez, HADOPI, LOPPSI, ACTA…sont liberticides et inadaptées, élaborées par des politiques incompétents dilapidant les deniers publics aux profits d’intérêts privés, avides de complaisances envers et à la soldes des lobbys d’affairistes . Le seul aspect positif de ces lois est qu’elles nous dévoilent les vrai visages de ces industries du divertissement, des majors, qui entrant en guerre ouverte avec leurs clients potentiels ou avérés car ils ne contrôlent plus la diffusion des oeuvres comme il ya 30 ans, et c’est toute la jeunesse qu’elles sont en train de se mettre a dos, et pas seulement car internet aujourd’hui est présent dans presque tous les foyer a l’instar de la télé.

    Vous êtes des hommes de l’ombre, des « collaborateurs ». Et quels que soient vos arguments, quelle que soit votre propagande, jamais vous ne ferez admettre que vos actions sont justifiées. Vous dites lutter contre ce qui est illégal, mais vous employez pour se faire des méthodes de basses police moralement plus condamnable que ce que vous pourchassez, où est votre éthique ? Où est votre sens des valeurs ?

    Internet est un espace de liberté, avec la complicité des gouvernements, vous voulez en faire un espace policé, encadré, dirigé, contrôlé. Vos mesures inquisitoriales vont pousser les vrais criminels a l’anonymisation, la furtivité, l’intraçabilité. Et c’est vous qui en serez complices et responsables. Et responsables, vous l’êtes déjà face aux citoyens de démocraties telles que la notre, démocraties que vous voulez lapider au nom du profit et de la veulerie en leurs otant des pans entiers de leur substance.

    Où seras votre victoire si vous tuez internet, où seras pour vous la plus-value ? Quel retour sur investissement attendez-vous d’un pareil engagement ?

  2. et ça continue….
    Le blocage des sites les jeux en ligne maintenant :
    http://www.pcinpact.com/actu/news/55504-arjel-jeux-argent-hasard-ligne.htm
    A quand le blocage des sites de ventes de médicaments…?

  3. Merci pour votre intéressant point de vue. En tant qu’ayant droit confronté tous les jours à la vente de contrefaçons sur eBay et autres sites de vente en ligne, la Fondation Giacometti observe qu’aucune mesure de filtrage (même simple) n’est mise en oeuvre par ces sites ou les FAI. Les contrefaçons artistiques sont vendues avec des descriptions (pour certaines officiellement prohibées par les sites de vente) pourtant aisées à filtrer, par exemple : « vendu sans certificat d’origine », « vendu sans certificat d’authenticité », « vendu sans garantie », « dans le style de ». Le temps passé à dépister puis à signaler ces contrefaçons (effectivement retirées en général au bout de quelques jours) est considérable. Il est inéquitable que cette dépense soit supportée intégralement par les ayants droit. Il semble comme vous le relevez que seul le recours à la justice permettra d’obtenir un filtrage simple par mots-clés qui évitera ce gaspillage humain et protègera les consommateurs.

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